Bonjour à tous,
J’écris cette petite note, toujours au près, dans la Manche, presque à mi-chemin entre le DST des Casquets et celui du Pas de Calais, en route au 75. Je virerai de bord dans une grosse vingtaine de milles, pour me recaler au sud du rail des cargos.
La nuit a été assez ventée, je m’étais mis sous GV 1 ris et trinquette – j’ai eu parfois plus de 20-22 nds de vent réel alors je ne regrette pas ! Mais c’est sûr qu’en fin de nuit j’étais un peu sous-toilé. J’ai tiré pas mal de bords dans l’après midi et la nuit, et avec le courant certains ont l’air vraiment mauvais !
Dans l’après midi, je vais croiser toute une flottille de voiliers anglais – probablement une régate trans-Manche.
D’après les routages et les prévisions météo, je devrais arriver à Nieuwpoort dans un peu plus de 24h, en fin d’après-midi demain mardi 26 août. J’ai encore un peu du mal à y croire, étant donné toute la route qui me reste à faire.
Le temps des questions
Alors après 11 jours de mer, bien sûr le temps des questions se profile ! Et je dois dire que je n’ai pas attendu aussi longtemps pour m’en poser, bien évidemment !
Que fais-tu là ?
Je crois que je ne me suis jamais vraiment demandé ce que je faisais là, dans le sens « pourquoi es-tu allé t’embarquer dans cette galère ». Pour moi c’est assez clair, c’est une navigation de prise en main et de test, du bateau et du bonhomme, avec un début et une fin, et je n’ai pas vraiment pensé à abandonner – au bout d’un moment, quand j’étais vraiment loin des côtes, cela n’avait de toute façon aucun sens, et il faut bien ramener le bateau de toute façon ! Et je m’y suis mis de mon plein gré, sans contrainte !
Je pourrais bien sûr m’arrêter dans un des ports que je croise mais bon, la météo est plutôt tres bonne pour rentrer (pas facile non plus mais ça pourrait être bien pire !), alors autant aller jusqu’au bout !
Quels souvenirs garderas-tu de cette expérience ?
Je me connais, je ne garde que les bons souvenirs !! Mais honnêtement pour l’instant cette longue sortie en solitaire a été assez incroyable, d’une richesse et d’une beauté exceptionnelle. Chaque jour les conditions étaient changeantes, le rythme de navigation en solitaire, en quasi veille permanente rendant la vie d’une très forte intensité !!
Il faudra que je fasse le tri dans mes notes WhatsApp et vidéos qui racontent en quasi direct ma navigation pour pouvoir la revivre – et publier ce fameux livre de recettes en mer 😉
Mais bien sûr les rencontres avec des animaux marins sont toujours magiques : dauphins, globicéphale, baleine (aperçue au loin), oiseaux (notamment le pétrel-tempête)…
Qu’as tu appris sur toi ?
C’est l’une des grandes questions ! Quand on part comme ça, c’est plus pour une introspection que pour tout autre chose. Je me suis retrouvé face à moi-même pendant des jours et des nuits, dans un environnement somme toute hostile – je ne suis pas un dauphin !
J’ai été assez loin en termes de stress les premiers jours, et j’ai ensuite réussi à mieux le gérer. Est-ce un processus normal d’habituation à cette nouvelle situation, ou est-ce que j’ai développé de nouvelles compétences de gestion de mon stress ? C’est sûrement encore trop tôt pour le dire.
J’ai aussi appris que je pouvais vivre pendant plus de 10 jours presque seul – j’ai eu en fait beaucoup de contacts avec mes proches et mes amis qui me soutiennent en suivant mon aventure. Ça compte énormément ! MERCI À TOUS, JE VOUS AIME ❤️
Sur le plan de la navigation j’ai aussi beaucoup appris – mais aussi je me suis rendu compte qu’il me reste beaucoup de choses à apprendre avant d’être vraiment à l’aise au large en solo sur La Promesse.
Comment ressens-tu le projet Tous Capables ?
Je crois qu’avec cette première phase, j’ai réussi à sensibiliser directement plusieurs centaines de personnes (et indirectement beaucoup plus grâce à l’effet « ambassadeur ») à la cause des enfants non-oralisants, et à la nécessité absolue de présumer de leurs capacités. C’est déjà une très belle réussite à mon sens.
Et ce projet me semble aussi résonner très clairement avec les enjeux de la course au large en solitaire, où chaque situation est nouvelle et un enjeu différent, qu’on ne peut appréhender qu’en présupposant de la capacité du navigateur à y faire face, sans qu’il n’ait jamais été exposé à une situation identique. La présomption de capacité est là aussi indispensable – sinon il ne faut pas larguer les amarres !
Et la suite du projet, comment la vois tu ?
Ça c’est vraiment la grosse question – il va me falloir digérer cette navigation et en tirer des conclusions, mais ça va prendre un peu de temps !