J8 – Tous Capables !

Aujourd’hui, nous sommes le 21 août. J’ai quitté Nieuwpoort le 10 août vers 17h avec Nicolas. Nous avons atteint Roscoff le 14 à 2h du matin, dormi un peu, pris une douche et un bon déjeuner, bricolé un peu et j’en suis reparti vers 17h30. Les derniers fichiers météo et routages prédisent une arrivée à Nieuwpoort vers le 28.

Je suis donc à un peu plus de la moitié de ce périple, et je prends quelques instants pour en tirer quelques remarques – les conclusions ce sera bien sûr plus tard !!

Le projet Tous Capables prend tout son sens

L’objectif de ce projet, c’est bien sûr la sensibilisation aux difficultés liées aux problèmes de communication des enfants, non oralisant (ne parlant pas ou peu). Le point de vue que je veux rendre le plus évident possible, c’est qu’il faut mettre tout en œuvre pour arriver à communiquer avec ses enfants pour leur donner la chance de se développer, de développer leur potentiel. Pour cela il faut surtout ne jamais douter, toujours présumer de leurs capacités : il faut absolument éviter d’associer difficultés de communication et « déficit intellectuel ». Beaucoup d’enfants qui ont bénéficié de soutien intensif et notamment d’outils de communication, alternative et augmenté ont vu leur leurs troubles de communication régressé, significativement et leur permettre de développer des capacités d’écriture et de lecture qui étaient difficiles d’imaginer possibles initialement. Certains, avec des outils de communication adaptés, poursuivent des études supérieures, écrivent des livres, de la poésie… vivent tout simplement !

En faisant cette présomption de capacité, de compétences, de potentiel, on rend donc toute leur humanité à ces enfants, qui, malheureusement dans de nombreux cas sont considérés comme « sous-humains » et laissés sans éducation au sens de l’obligation d’instruction / de scolarisation des enfants, l’un des droits les plus fondamentaux des enfants dans notre société. Ils faut bien sûr considérer qu’ils sont Capables – au sens des capacités qu’il faut présupposer.

Et plus généralement que chacun doit être considéré comme tel, Tous Capables !

Attention, il ne s’agit pas de tomber dans le « validisme » – Tous Capables, ce n’est ni un slogan de performance, ni une injonction à “surmonter son handicap”. Il ne suppose pas que tout le monde peut tout faire, ni que les différences n’existent pas.

Je vous renvoie à plusieurs articles récents parus dans Le Monde :

• Handicap : comment la communication alternative et améliorée redonne une voix à ceux qui en sont privés
• Plaidoyer pour une généralisation de l’apprentissage citoyen de la communication alternative et améliorée (Tribune)

Le parallèle avec le dépassement de soi en navigation

Toutes proportions gardées, la navigation en solitaire, ou tout autre activité qui nous pousse vraiment hors de notre zone de confort, nécessite bien évidemment de présumer de ses compétences : avant de partir, on doute, on hésite, mais si on ne présuppose pas qu’on peut y arriver, on ne part jamais !

Ce que j’apprends sur moi

J’ai eu l’occasion déjà de partager un peu mes émotions, mes ressentis à bord en solitaire, et d’échanger aussi directement avec quelques uns de mes proches à ce sujet.

Les premiers jours j’étais vraiment très stressé, et le petit coup de vent au niveau de l’Irlande m’a permis – après coup – de surmonter en partie ce stress, de développer ma confiance dans le bateau. Les calmes persistants que j’ai traversé hier ont aussi mis les nerfs à l’épreuve, avec des incertitudes météo importantes à venir et un impératif d’être à Luxembourg le 31 août au plus tard.

Je commence à comprendre que je développe en mer, notamment en solitaire, une anxiété importante sur les problèmes techniques potentiels. J’essaie d’y travailler en essayant de rationaliser mes angoisses, mais j’ai l’impression qu’il y a tellement de facteurs qui peuvent « mal tourner » que je ne pourrais jamais les maîtriser tous… il faut que je relise – et je vous le conseille aussi – La Petite Philosophie du Grand Large de Claude Obadia dont je vous ai déjà parlé, et qui expose précisément ce point.

Mais avec le temps, j’ai quand même réussi à bien me détendre, à dormir par à peu près toutes les conditions de mer, de vent, de mouvements du bateau, de bruit – même si je sais que je n’ai (pour l’instant et j’espère que je n’en aurai pas d’ici l’arrivée) pas eu de conditions réellement fortes sur ce périple.

Je crois que je ressens donc des sentiments hautement ambivalents : stress, anxiété, tension d’un côté, qui vont en s’estompant, et de l’autre côté un plaisir intense à être en mer, vivre une expérience incroyable, sur un relativement long terme.

Et le plaisir de partager cette aventure, avec presque 200 personnes sur le groupe WhatsApp, et aussi plusieurs centaines qui ont lu mon post LinkedIn, tous ces encouragements m’aident et me font réaliser que je suis peut-être dans le vrai avec ce projet, cette parenthèse dans la vie « normale ».